26 septembre 2009
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De ma fenêtre je les ai vus arriver, aussitôt j'ai mis l'appartement en silence total et j'ai attendu qu'ils aillent voir ailleurs ... Ce n'est pas que je ne les aime pas, ils sont toujours très polis, très bien habillés, très calmes mais ...
Ils ont sonné juste deux fois, deux coups très espacés. Je les imaginai derrière ma porte dressant l'oreille et tentant de déceler présence humaine. J'ai fait comme si j'étais morte, j'ai même cessé de respirer quelques secondes au cas où... Je n'avais pas envie, pas le temps, pas la force de leur parler et les envoyer balader sèchement n'est nullement dans mes us et coutumes...
De plus j' éprouve toujours comme de la pitié à les regarder quémander de la sorte de porte en porte... Il m'est arrivée quand j'étais jeune et innocente de passer de longues, longues minutes presque des heures à essayer de nouer dialogue fructueux en leur compagnie : que de temps perdu !
Mon logement se révélant irrévocablement hermétique je les entendis se diriger vers celui de la voisine... Sur la pointe des pieds j'allai coller mon oeil à la serrure très curieuse de voir de comment ils allaient y être reçus...
Ils étaient deux: un monsieur, une dame avec chacun une sacoche. Des cris perçants fusaient de derrière l'autre porte...L'homme s'apprêtant à sonner a marqué un instant d'arrêt...Il a croisé le regard de sa compagne et puis il a appuyé mollement sur le bouton de la sonnette...la sonnette de ma voisine ça faisait belle lurette qu'elle était hors service, pas du tout cassée mais débranchée pour réduire au mieux la facture d'électricité. Il a appuyé mais aucun son n' a retenti sauf celui d'une horde de gamins s'égosillant et d'une maman vociférant...
La femme a chuchoté longuement à l'oreille de son ami et bravement, résolument a frappé à la porte toute cabossée ... elle était investie d'une mission de la plus haute importance : colporter la bonne nouvelle . La fin du monde était pour très bientôt et elle n'avait le droit de négliger aucun domicile et surtout pas celui où régnait un tel charivari.
Ma voisine est sortie, toute petite, toute menue et les a questionnés brutalement sur le but de leur visite... Sa voix a fait trembler les murs, vibrer les vitres de la cage d'escalier, a décoiffé les deux sauveurs de l'humanité...
Ils ont reculé d'un ou deux pas, pris leur courage à deux mains et ont commencé leur bavardage:
- Bonjour, nous sommes Témoins de Jéhovah...
Ma voisine ne comprend pas très bien le français et avait assurément d'autres chats à fouetter... Elle s'apprêtait à fermer violemment sa porte sur leurs nez quand ils ont sorti de leurs cartables chacun une bible...un peu comme s'ils voulaient s'en protéger contre... ce petit bout de femme.
Ensuite tout s'est passé très très vite... L'homme a levé son livre et a haussé le ton
- La bible, Madame, la bible il n'y a que ça de vrai...
Ma voisine Malienne n'entend guère au parlé des Français mais là elle a de suite compris. Elle a couru dans son appartement et en moins de temps qu'il faut pour l'écrire elle est revenue, elle Le tenait en ses mains... et elle criait de toutes ses forces... je vous laisse à imaginer l'ampleur des décibels, les répercutions sur mes tympans et surtout sur ceux des deux malheureux témoins de Jéhovah...
Elle criait de toutes ses forces...Epouvantés, ils ont détalé dans les escaliers. Une chance que ma voisine a de toutes petites jambes car si elle les avait rattrapés ils auraient de suite connu la fin du monde.
Elle les a poursuivis jusqu'à leur voiture et alors qu' ils démarraient sur les chapeaux de roues ma voisine brandissait le Saint Coran et criait encore de toutes ses forces :
- Et le Coran, le Coran ça ment ?